Master 2
Transformation
Territoires des possibles
Frédérique Mocquet Jean-Dominique Prieur
Voyage inaugurale sur le Sentier métropolitain du Grand Paris, avec Paul-Hervé Lavessière et Jens Denissen.
Le vivant : la reconquête des coquelicots
Audrey Mainsant, Carolie Marot, Marion Ournac, Mathilde Roux, Gladys Theilor
La ville nouvelle de Marne-la-vallée résulte d’une histoire complexe, et de projets d’aménagement récents très volontaristes. Pour analyser ce territoire, nous avons décidé de décaler notre regard sur notre relation au vivant en tant qu’humain, mais également en tant qu’architecte-penseur et architecte-constructeur. Nous avons ainsi observé des corridors, habitats, milieux divers, aujourd’hui perçus comme des délaissés par les aménageurs, et avons distingué différentes continuités liées aux infrastructures existantes, à l’hydrographie et à la végétation. Le nombre d’espèces dans les délaissés démontre la capacité de ces lieux à faire habitat. En marge des grands projets, ces derniers doivent être regardés pour leur capacité à accueillir le vivant. Notre postulat est donc le suivant : en tant qu’architectes, nous devons prendre en compte le rôle des autres vivants dans la fabrication de nos milieux, et concevoir ainsi des pratiques différentes, en prise avec les territoires.
Partant des écrits du philosophe Baptiste Morizot, qui considère que nous faisons face à une crise de nos relations au vivant, nous affirmons que nous devons apprendre à réhabiter, collectivement. Reprenant cette théorie des égards ajustés, nous avons mis en place un gradient d’égards, structurant une stratégie territoriale permettant de penser le maillage et le réseau de l’infrastructure du vivant, et de nous projeter dans cinq situations bien distinctes. En cinq points du territoire de Marne-la-Vallée nous mettons en place différentes stratégies d’égards, liées aux micro-localités, aux pré-existences, vivantes et architecturales des sites choisis : utiliser les dents creuses d’un tissu pavillonnaire pour repenser notre lien avec le vivant comme ressource nourricière à Noisy-le-Grand (Gladys Theilor), penser l’habitat et le soin inter-espèces entre vivant animal et humain dans un ancien hôpital à Lagny-sur-Marne (Coralie Marot), retrouver du lien entre humain et animal dans une relation entre élevage et lieu culturel à Pomponne, dans un objet patrimonial (Marion Ournac), proposer des formes de vie locales et d’activités de loisirs et de tourisme aux abords d’un cours d’eau et de sa ripisylve à Montevrain (Audrey Mainsant), et enfin amplifier l’écosystème particulier d’un milieu humide pour pouvoir le protéger et l’habiter autrement à Coupvray (Mathilde Roux).
Plutôt que d’aménager, nous proposons de ménager ces lieux de la ville nouvelle. Ces projets manifestes promeuvent une réponse vertueuse aux logiques de surexploitations de la nature et de ses ressources, auxquelles participent usuellement l’aménagement et l’urbanisme. Ils se présentent comme des potentialités vers une réparation de la ville nouvelle de demain.
Le quartier Mont d'Est, un rêve vieillissant
Chloé Bénézeth, Terri Champavier, Julie Eymery, Daniel Emanuel Pop
Comme toutes les villes nouvelles, Marne-la-Vallée a été planifiée comme une polarité destinée à rééquilibrer les activités en Ile-de-France, de l’Ouest vers l’Est de la région, grâce en outre au RER. La stratégie d’urbanisme de l’EPA (Établissement Public d’Aménagement) Marne a porté en outre sur les centres-commerciaux, qui organisent tous des commerces franchisés autour d’un supermarché, de larges aires de parkings et d’importants espaces logistiques. Le quartier du Mont d’Est et son centre commercial ouvert en 1978 résultent de cette politique d’aménagement. Le quartier a été pensé comme une pièce nouvelle dans la ville de Noisy-le-Grand, et est sorti de terre en un temps record ! Elément structurant, le sol artificiel, appelé « la dalle » depuis les années 1990 seulement, étage la circulation piétonne au-dessus des voies rapides. Alors signes de modernité, les dalles montrent vite leurs limites : séparation des flux, difficulté d’accès, compacité programmatique (logements, commerces, bureaux, parking, équipements) mais aussi faible porosité, esplanades et places publiques peu entretenues et sous-utilisées, parkings surdimensionnés, désorientation, etc.
La première intervention propose de réparer la dalle dans son épaisseur et sa relation entre les programmes inférieurs et supérieurs. L’état actuel d'abandon prouve la nécessité d'un entretien immédiat. Les opérations se déploient sur l’ensemble du site. Les vides sont repensés pour densifier en apportant des programmes manquant au Mont d'Est – espaces sportifs en plein air, lieux associatifs ou salles confortables pour que les gens travaillant sur place –, quand des percées permettent d’ouvrir et de mettre en relation les niveaux. Le second projet revalorise les rues périphériques abandonnées en modifiant les façades du centre commercial et en établissant une relation intérieur-extérieur : ouverture vers la rue de la pergola avec le réaménagement de l'espace urbain, création d'un espace dédié à l'artisanat et d’un patio pour l'éclairage et la ventilation naturelle, et ainsi que d'une connexion avec le RER pour le transport de marchandises. La troisième intervention se concentre sur le parking accolé au centre commercial qui se développe sur quatre niveaux desservis aux extrémités nord et sud par des rampes hélicoïdales. La structure poteau-poutre permet une grande liberté de transformation pour créer des espaces de production alliant micro industrie et artisanat. Enfin le dernier projet remet en question l'idée même de la dalle, son utilité réelle et les problèmes qui en découlent. L’opération lourde supprime la dalle peu exploitée aujourd'hui tout en préservant les éléments structurels, en densifiant les usages et en recréant un nouveau rez-de-ville. La transformation vise à atteindre la volonté initiale : faire de cet espace une place publique.
Les paysages de l’énergie
Charlotte Bichon, Margot El Andaloussi-Lacanal, Lucie Sacchetto, Éva Tronquet, Lanei Yvernat
Marcher sur le sentier métropolitain nous a permis de regarder avec attention le paysage qui nous entoure. Nos regards se sont accrochés sur des éléments remarquables, « landmarks non-intentionnels », qui alimentent notre quotidien : réseau électrique – pylônes, lignes à hautes tension, centrales, etc. – mais aussi réseau hydraulique, lacs, écluses, châteaux d’eau. Cette accumulation sur le territoire de signes des infrastructures énergétiques nous invite à questionner les coulisses du quotidien. Si le rejet total système électrique national n’est une perspective ni réalisable ni souhaitable, le développement de micro-réseaux pourrait reconnecter les consommateurs avec leur territoire. La modération de la consommation en eau et en énergie étant au cœur du débat, la visibilité et la compréhension de la production et de la distribution semblent être une aide à la prise une conscience collective. Comment cohabiter avec l'infrastructure énergétique ?
La première proposition concerne le nouveau paysage du bois-énergie sur les ruines de la ferme de la Renaissance de Pomponne. L'héritage des forêts domaniales permet d’associer une gestion intelligente du bois des forêts locales à la production de bois de chauffage pour un ensemble de logements, grâce à un réseau alimenté par une centrale bois. Le deuxième projet s’occupe de la requalification du canal de Chelles, avec le développement d’un réseau de transport de plaisance, dont les bateaux fonctionnent par l’énergie thermique de la centrale située de l’autre côté du canal. La troisième proposition s’attarde sur le loisir productif, sur l’île de Loisirs et le golf de Torcy. Les zones de loisirs actuelles absorbant l’impact paysager du réseau RTE (réseau de transport électricité) gagneraient à être valorisées par une industrie bénéfique à la notion festive des bords de Marne. Le quatrième projet s’intéresse à la chaufferie de Lognes. La ressource géothermique déjà exploitée dans un réseau urbain est valorisée comme un bien commun capable d’inclure un programme de loisir et de bien-être social. Enfin, la dernière proposition, située sur les terres de la ferme de Lamirault, prévoit une production d’énergie à partir du principe de méthanisation grâce au fumier de cheval. Acteur du territoire, l’animal prend part à la logistique de la zone comme lien entre la forêt, la ferme et la zone industrielle la bordant.
Partant d’une lecture des systèmes énergétiques et de leurs signes sur le territoire, nos projets proposent des reconnexions aux lieux à travers des stratégies de résiliences énergétiques originales. Ils hybrident, par leurs formes architecturales, imaginaires traditionnels du paysage et imaginaires techniques inédits, et affirment ainsi l’importance d’une approche à la fois technique et culturelle des enjeux environnementaux par l’architecture.
Transformation
Territoires des possibles