École d’architecture
de la ville & des territoires
Paris-Est

Le littoral comme territoire de projets

    Les axes de recherche
    Une vision du littoral à long terme
    Fondements méthodologiques

    Depuis la tempête Xynthia de 2010, d’autres événements climatiques exceptionnels ont affecté le territoire national, en métropole comme dans les outre-mer : tempêtes hivernales de 2013-2014 sur la côte aquitaine, ouragans Irma et Maria, ou encore plus récemment les crues-éclairs dans le Var.
    Fort de ce constat, l’état a mis en place expérimentations et programmes d’action en faveur d’une adaptation des territoires aux aléas littoraux et au changement climatique. Ces actions éminemment pluridisciplinaires ont mobilisé de nouvelles ressources de projet à une échelle et selon des problématiques inédites dans l’aménagement du territoire. La dynamique littorale suggère une recomposition spatiale basée sur une vision à long terme, ce qui est loin d’être un sujet ordinaire de l’urbanisme. « Imaginer le littoral de demain » suppose d’ancrer l’aménagement littoral dans une perspective écologique autant que culturelle.
    Pour tenter définir cette vision à long terme, la démarche scientifique de la chaire se fonde autour de cinq hypothèses de recherche amenées à se croiser les unes les autres et qui, au fond, peuvent être assimilées à cinq fondements méthodologiques :

    1. Réintégrer les cycles longs de la nature dans l’aménagement.

    Assumer le recul du trait de côte et se poser la question de la recomposition spatiale dans des temporalités étendues témoigne de la même évolution doctrinale que celle qui perturbe depuis quelques années la gestion et la prévention des risques. Plutôt que de considérer que des moyens techniques, fussent-ils considérables, vont à eux seuls s’opposer à l’action de la nature et préserver les implantations humaines, il vaudrait mieux désormais accompagner ces phénomènes naturels et s’adapter aux évolutions qu’ils induisent, ce qui constituerait un changement de paradigme notable.

    2. Réinventer l’imaginaire des loisirs et du tourisme à l’ère de l’anthropocène.

    Les processus d’ampleur géologique qui affectent les rivages contrastent avec l’histoire récente de l’occupation humaine du littoral. Si l’interface avec la mer fut très tôt fondatrice, notamment à travers les ports, lieux stratégiques du développement, les premières villes étaient plutôt sur les fleuves ou en léger retrait de la côte, laissant le littoral peu habité. « Habiter le littoral », ou plus exactement se rapprocher du « trait de côte » en tentant de limiter ses fluctuations, est un mode d’occupation du territoire très récent à l’échelle du temps des civilisations : nous parlons d’un siècle et demi, qu’il s’agit de confronter aux sept millénaires d’histoire urbaine. Au départ très localisés, les effets de cet héliotropisme diffusé en France métropolitaine au début du 19e siècle n’ont pris une dimension massive et généralisée qu’à partir des années soixante. La réflexion sur la fragilité des territoires côtiers va de pair avec l’exploration d’un nouvel imaginaire des loisirs et du tourisme. Cette réflexion passionnante donne à tout projet littoral une dimension économique et culturelle qui s’associe à celle sur les milieux.

    3. Recomposer le littoral autour d’une épaisseur ou « de la ligne à l’arrière-pays ».

    Les gains issus de cette extension des usages comme de la prise en compte des milieux côtiers dans l’épaisseur du territoire obligent à dépasser l’idée de « ligne de côte ». L’approche résolument technique des ouvrages de protection, desdits « ouvrages de défense contre la mer » (digues, enrochements, jetées, épis, etc.), qui prévaut encore dans bien des situations, localise l’effort sur la ligne de contact pourtant provisoire, sans toujours en évaluer l’impact, souvent considérable, sur les parties non transformées. La réflexion sur le littoral doit au contraire prendre en compte à la fois la profondeur du territoire et les interactions de la ligne de côte. Ainsi, une réponse adéquate au recul du trait de côte pourrait consister à élargir le champ de réflexion à l’ensemble d’un « bassin » à cheval sur le trait de côte provisoire, qui inclut la compréhension des phénomènes maritimes et les actions éventuelles sur le plateau continental, mais aussi le projet de territoire dans son ensemble, arrière-pays et liens avec la frange côtière compris.

    4. Répondre conjointement aux enjeux écologiques et économiques du littoral.

    La recomposition spatiale, tout comme le maintien des zones littorales non construites, pose des questions économiques et écologiques spécifiques. Les enjeux économiques sont liés à la grande attractivité des zones littorales. Sauf exception, ces dernières sont soumises à une très forte pression foncière. Les prix des terrains et des biens immobiliers, souvent sans corrélation avec leur valeur propre, y sont donc très élevés. C’est pourquoi les communes sont confrontées à un double enjeu : accueillir les résidents à l’année et identifier les modalités appropriées pour « délocaliser » les biens si cela s’avère nécessaire, malgré un coût d’intervention très élevé. Les enjeux écologiques sont liés aux enjeux précédemment cités. La recomposition spatiale n’est acceptable que si elle ne bouleverse pas les dynamiques des territoires. Elle doit donc être entreprise dans une optique de proximité géographique, ce qui implique de dégager des terrains constructibles sur des sites qui sont soit urbains (et plus ou moins saturés), soit naturels. Dans certains cas, ces transformations ne peuvent se faire que sur des parcelles « à urbaniser », à moins d’y renoncer définitivement. Il faut alors veiller à la préservation des milieux naturels en intégrant l’écologie comme une composante essentielle du projet moyennant une gestion efficace des sols. Ces enjeux suggèrent non seulement un changement de doctrine car le projet doit être source d’enrichissement et non d’altération des écosystèmes, mais aussi la nécessité de développer une gestion alternative du territoire non urbanisé au moyen de différents acteurs : Conservatoire du littoral, chambres d’agriculture, établissements publics fonciers, etc.

    5. Faire du projet un vecteur pluridisciplinaire pour penser les mutations du littoral.

    La complexité des phénomènes exposés plus haut ne peut être abordée de manière sectorielle : habitat, écosystème, géomorphologie, déplacements, tourisme, gestion des sols et agriculture, dynamique économique, imaginaire et usages, etc. Ces domaines doivent se recouper, se nourrir les uns les autres dans la durée. Approche transversale et synthétique, le projet de territoire est l’outil d’expérimentation que nous proposons pour accompagner les transformations de ces territoires littoraux. Dès lors qu’il est question de littoral, le projet de territoire se confronte à des échelles de temps et d’espace importantes. Cela nous oblige à penser les méthodes de projet propres à l’architecture, à l’urbanisme et au paysage dans le prolongement des apports d’autres disciplines, en particulier de l’histoire et de la géographie. Nous postulons que la connaissance des évolutions des franges littorales, qu’elles soient urbaines, touristiques ou industrielles, instruisent et enrichissent la connaissance de ces territoires situés à l’articulation entre terre et mer. Le regard diachronique sur les territoires littoraux est essentiel pour comprendre leur constitution et projeter leurs évolutions.

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