École d'architecture
de la ville & des territoires
Paris-Est

De l'art de faire ruine à l'espérance de s'en défaire

mercredi 30 avril 2025
à 18:00
séminaire de recherche

La démolition, autrefois inséparable des activités du bâtir, s’est progressivement isolée de la discipline architecturale au cours de la période moderne. Marginale dans les discours et peu à peu séparée du chantier de construction, la démolition ne semble pourtant jamais avoir tant œuvré que dans la poignée de siècles l’ayant précisément écartée de l’entreprise de construire. D’où a-t-elle agi ? Sur quelles théories et à quelles fins ? Partons d’une idée simple dont il nous faudra faire la démonstration : la modernité, en tant qu’idéal investi dans la création d’un monde neuf, a toujours nécessité pour établir sa nouveauté la démolition des structures établies.

La profusion des vestiges antérieurs à l’époque moderne ne laisse guère de doute sur l’exceptionnalité de ce régime de « table rase » dans une histoire longue de la construction. À défaut de tout à fait savoir ce qu’ils en pensaient, les bâtisseurs du monde prémoderne présageaient d’un talent certain pour inscrire leurs œuvres dans la durée. Pourtant, et si nombre de ces constructions anciennes ne semble avoir témoigné que de transformations mineures sur la période moderne, toutes portent à différents degrés dans leurs linéaments les traces d’une conception discontinue, chevauchant les époques et les projets, articulant des épisodes de transformations et de ruines comme autant de cycles de vie enchâssés au sein d’un même ouvrage. Si le monde prémoderne a bien su également user de la démolition pour bâtir, c’est sur un motif très différent de celui consistant à libérer du terrain pour de futures constructions. En encombrant volontairement le sol des édifices démantelés et en associant parfois leurs ruines à l’élévation de suivants, les démolisseurs de l’ère prémoderne ambitionnaient moins de se « défaire » que de « perpétuer » l’ouvrage des générations précédentes.

Siméon Gonnet est architecte, doctorant au laboratoire OCS, enseignant contractuel à l'Ensa Paris-Est et l'Ensa Clermont-Ferrand.

Illustration → montage de Siméon Gonnet, 2025,
réalisé à partir d'une coupe de la Cité Radieuse , Le Corbusier, 1947, Fondation Le Corbusier et d'une coupe stratigraphique de la tour de Jericho, Kenyon, Excavations at Jericho, t.IV 1981.Pl. 233

Dans le cadre des séminaires de recherche du laboratoire OCS/AUSser
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