Marion Boisset
La joie de l’inconfort
Représentations du confort et espaces confortés
Rarement interrogée, l’évidence d’un « confort » architectural désirable est largement partagée. Ce « confort » est historiquement le produit de représentations culturelles, techniques, éthiques, aussi inapparentes qu’impensées. Or il en va du confort comme du temps chez Saint Augustin : « si personne ne me demande ce que c’est, je sais ce qu’il est ; et si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus ». Formé dans la matrice anglo-saxonne de la bourgeoisie industrielle, l’idée de "comfort" aura déterminé durablement le travail des architectes et l’expérience des habitants en imposant un territoire polarisé par un paradigme logiquement stérile et tautologique puisque confort et inconfort y reçoivent leur définition l’un de l’autre. Cette vision, bien que largement acceptée, repose sur des normes anachroniques d’un super confort qui façonnent nos attentes et notre imaginaire de l’habitat.
Cette sédimentation imaginaire importerait peu si elle ne produisait des effets performatifs de grande ampleur. Il ne s'agit pas seulement de clarifier la généalogie conceptuelle du confort, mais de repenser une éthique et une matérialité adaptées à un monde abîmé par l’anthropocène, l’épuisement des ressources et le dérèglement climatique. Les normes et attentes actuelles continuent d'adhérer à une idéologie passée, idéalisant un super confort technophile qui pose la question : peut-on explorer d’autres modalités de l’inconfort qui seraient, elles, ordonnées à une éthique du temps présent, pour lequel aménager impose de ménager ?
Ce travail de recherche vise à inventorier et à comprendre les qualités et les bénéfices potentiels de l’in-confort, entendu non comme régime de privation ou absence de confort mais comme sortie d’un paradigme ancien aujourd’hui intempestif. Nous nous appuierons sur les théories contemporaines du XXIème tout en convoquant un spectre historique large. Ancrée dans le temps présent, notre approche vise ainsi à reconstituer une histoire critique de l’inconfort, une chronologie, à travers les théories qui ont émergé durant les dernières décennies.
ll s’agit d’un effort pour déplacer une notion qui aboutit à la frustration d’un super confort jamais atteint, à la surenchère des systèmes de contrôles technophiles, vers un ensemble d’outils de conception propres à dessiner un nouvel idéal de bien-être dans l’habitat. Passer du confort acceptable au bien-être consenti : habiter, non pas de manière confortable mais de manière confortée, une architecture où l’occupant, actif, participe à l’élaboration de son propre confort.
Marion Boisset
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Cadre de la recherche
◖ Direction de thèse
Sébastien Marot (HDR)
laboratoire OCS, Ensa Paris-Est
Anna Rosellini (depuis 2024)
laboratoire OCS, Ensa Paris-Est
◖ Cadre du doctorat
2025-en cours
Thèse sous contrat doctoral du Ministère de la culture
◖ Environnement de recherche
Laboratoire OCS
Unité de recherche mixte AUSser
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Sur la recherche
◖ Mots-clés
confort, inconfort, habitat, domesticité, représentation
◖ Affiche scientifique

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Illustration →
Richard Wentworth, Untitled, 2015
