Moussa Belkacem
Les déplacements de villages en Europe entre 1945 et 2045. Quelles options de relocalisation pour les lieux menacés de disparition ?
Lorsque le barrage de l’Alqueva est construit au Portugal au début des années 2000, le village de Luz situé dans la future zone d’inondation doit être « déplacé ». Depuis des décennies et pour les décennies à venir, des mines de lignite en Allemagne, de fer en Suède, des barrages en France ou en Espagne entraînent le déplacement de dizaines de villages faisant obstacle à la bonne exploitation des sites. Le terme « déplacement » revêt ici une signification particulière. En effet, le village concerné est, en réalité, détruit tandis qu’un nouveau village est construit ailleurs pour accueillir la population. Seule la communauté est réellement déplacée. Du point de vue des disciplines architecturales et urbaines, ces situations posent de nombreuses questions : Comment reconstruire le nouveau village ? Comment préserver l’identité des villages dans ce déplacement, et notamment quelle place laisser à la mémoire de l’ancien village ? Au-delà de la communauté, que déplace t-on ? Finalement, comment les différents acteurs de ces déplacements font-ils face à l’annihilation totale et au drame de la disparition programmée d’un territoire souvent ancestral ? Ces opérations, bien qu’extrêmement lourdes du point de vue des moyens engagés et des destructions engendrées, s’avèrent très nombreuses et se multiplient partout dans le monde.
Pourtant, malgré leur abondance, elles semblent souvent être traitées comme des cas isolés, uniques. En effet, l’état de l’art montre qu’il existe à l’heure actuelle des études monographique sur les villages déplacés ; mais aucune étude globale, d’envergure ne semble avoir été menée sur le sujet. Or, ne pourrions-nous pas, à la lumière de ces dizaines de situations locales, engager une analyse critique globale concernant les déplacements de villages ? C’est l’enjeu de notre recherche. L’un des objectifs principaux de cette étude est donc la constitution d’un inventaire européen le plus large possible des villages volontairement déplacés entre 1945-2045. Les exemples à la fois historiques, en cours ou projetés constitueront un corpus riche servant de socle à notre recherche. Il s’agira alors, par le biais d’études de terrain et d’analyses comparatives, principalement architecturales et urbaines, de dresser un état des lieux et d’interroger les modalités de ces déplacements. Cela passera par l’analyse critique systématique du double projet qui structure le déplacement : celui de la destruction de l’ancien village et celui de la reconstruction. Cette recherche apportera un éclairage novateur sur des questions centrales pour les décennies, à venir telles que : le rapport à l’énergie, les déplacements contraints de populations, les risques, la destruction totale de certains territoires, les concepts de spécificité et d’identité des villages, l’attachement des individus aux lieux ou encore la mémoire portée par l’architecture. Enfin, cette étude posera un regard original sur la question des territoires menacés par la montée des eaux. En effet, ce péril entraîne d’ores et déjà, aux Fidji ou en Alaska, le même type de déplacements de villages.
Thèse de doctorat en architecture préparée sous la direction de Paul Landauer depuis octobre 2020.
Thèse sous contrat doctoral du ministère de la Culture, qui bénéficie d’une bourse de la Fondation Palladio.
Image : Vue aérienne des villages de Immerath et Lützerath, rasés pour permettre l’avancée de la mine de lignite à ciel ouvert de Garzweiler, 2018, Google Earth pro.